• Jacques Salomé (Psychosociologue et écrivain) :
    Printemps 2003. 

    SOUVENIR DU CLAIREAU

    Le Claireau où j’ai vécu deux ans, entre 1961 et 1963, où ma première fille a été conçue, fut un lieu magnifique qui a marqué ma vie, et cela sur plusieurs plans.

    Ce lieu fut un révélateur, non seulement de ma créativité naissante, mais d’une aspiration profonde à un mieux être, d’un mouvement intime pour me dépasser, pour tenter d’accéder au meilleur de mes possibles.

    J’ai retrouvé dans ce lieu quatre encrages essentiels :

    Un espace de liberté : cent hectares de forêts, de chemins, de clairières, un manoir intemporel déposé là, par la rencontre de désirs qui m’ont parus fortement contradictoires même si la source se dérobait à ma compréhension.

    L’ombre de la princesse Radzivill (qui, chuchotait-on à l’époque, fut la maîtresse du prince de Galles, futur Edouard VII), toujours présente, romantique, légèrement ironique me semblait-il face à ce projet fou et fécond dynamisé par René Dieleman.

    Un espace de vie : sans cesse vivifié par l’arrivée de nouveaux stagiaires avides d’apprendre, de créer, de se confronter à une matière à la foi proche, familière, récalcitrante : bois, terre, fer, cuir, d’apprivoiser des outils, de s’exercer aux rigueurs d’une technique, de vaincre des doutes, de dépasser des difficultés matérielles, d’expérimenter leur créativité.

    Un espace de rencontre avec ceux qui m’ont marqué, influencé, stimulé, et plus particulièrement à deux êtres diamétralement opposés.

    L’un, René Dieleman, le fondateur des ATELIERS EDUCATIFS du Claireau, par la confiance qu’il me fit, le soutien qu’il a donné à mes premiers balbutiements d’animateur comme potier, céramiste, et plus tard de sculpteur en herbe.

    L’autre Philolaos Tloupas, sculpteur magnifique et imprévisible, qui marqua ma jeunesse incertaine par sa rigueur et son amour de la beauté, par sa vitalité sans cesse renouvelée, par son amitié ombrageuse et fidèle.

    Ils furent l’un et l’autre, sur des plans différents, l’occasion d’une foultitude de rencontres fertilisantes ; et bien d’autres aussi qui, par leur écoute, leur regard, leur accueil, m’ont porté, emporté au plus près de mes propres rêves.

    Un espace de changement nourrissant ma propre évolution, accompagnant un cheminement vers des mutations d’une richesse inouïe.

    Ces deux années furent à la fois un encrage et une période incroyablement fertille en découvertes sur le plan de ma croissance intime, l’équivalent d’une retraite et d’une rupture avec le monde extérieur et l’acceptation d’une remise en cause de mes propres croyances, certitudes, habitudes.

    Je garde de mon séjour le souvenir vivace d’une période riche en découvertes sur mes ressources et mes limites, d’un conflit permanent et vivifiant entre ma liberté et celle de l’autre dans une confrontation stimulante et créatrice.

    Je crois que la grande idée pédagogique innovante de René Dieleman fut de créer et de mettre en place les conditions matérielles et relationnelles pour permettre à des hommes et à des femmes de mieux structurer un désir issu de leur imaginaire en l’inscrivant dans un projet, en le confrontant à une réalité ; de leur permettre de concrétiser leur désir de faire, de passer à la réalisation, de déboucher sur une finalisation, par l’acquisition, non seulement de moyens strictement opérationnels, mais aussi par un retour sur eux mêmes en retrouvant confiance et estime de soi.

    N’avoir jamais touché une scie ou même planté un clou et repartir après deux ou trois week-end ou quelques stages, (en périodes de vacances), avec sa bibliothèque, le lit de son prochain enfant, ou une table de salle à manger capable d’accueillir huit convives !

    Arriver seulement avec sa bonne volonté, sa curiosité et deux mains en bon état de fonctionnement et repartir avec un service à thé complet, théière, six tasses et soucoupes, et parfois même le sucrier accordé, ou une demi-douzaine de livres aimés reliés toile ou peau !

    Mais surtout avoir découvert et confirmé sa capacité à mener jusqu’au bout une réalisation, à fabriquer pour soi-même quelque chose d’utilisable, de durable et de fonctionnel.

    René Dieleman veillait avec beaucoup de soins et de fermeté à ce que les animateurs œuvrant au Claireau sachent concilier esthétique, fonctionnalité et simplicité et je peux imaginer que les milliers de stagiaires qui, durant 20 ans, participèrent aux activités du Centre National des Ateliers Educatifs du Claireau furent marqués à jamais par cette expérience.

    Je n’avais pas eu jusqu’à ce jour l’occasion de manifester mon admiration et ma reconnaissance à ceux qui ont partagé durant deux ans cette fabuleuse aventure.

    Qu’ils en soient ici remerciés.

    Jacques Salomé, psychologue et écrivain est l’auteur de : passeur de vie – Le courage d’être soi – Une vie à se dire .  (Pocket)

     

    Robert Bober (cinéaste et écrivain) :
    5 février 2002 

    "Je viens de tourner un film sur Erri De Luca. Auteur d'une dizaine de romans, il est aujourd'hui considéré comme un des écrivains italiens contemporains les plus importants. Mais jusqu'en 1996, il a été ouvrier chez Fiat, à Turin. Dans le bâtiment, comme maçon ou terrassier.

    Adolescent, il partait souvent en mer avec son oncle, pêcheur à Ischia. Lorsque je lui ai demandé si cette expérience l'avait préparé au monde du travail, il m'a simplement répondu : "J'ai surtout appris à me servir de mes mains, ce que le stylo n'apprend pas."

    Je ne savais pas encore que Claude Lecomte demanderait d'écrire quelques lignes sur mon passage, il y a près d'un demi-siècle, aux Ateliers Educatifs du Claireau. Je ne savais pas non plus - puisque je l'avais oublié, que cette coïncidence me réapprendrait que René Dieleman avait inventé la formule "penser avec les mains".

    C'est en 1952, que pour la première fois je suis devenu moniteur de colonie de vacances. Je dois préciser - c'est une parenthèse, mais elle est essentielle pour moi et c'est pourquoi j'y reviendrai - que j'exerçais alors le métier de tailleur pour dames.

    C'est au cours de cette colonie de vacances que j'ai mesuré à quel point le travail de moniteur était important. Pas seulement pour les enfants. Pour moi.

    Aussi, lorsque j'ai appris par le CEMEA l'existence des Ateliers Educatifs de Claireau, j'y ai vu aussitôt la possibilité de faire coïncider les activités manuelles et le travail d'éducateur. Ainsi, deux ans durant, j'y ai passé tous mes week-end.

    J'ai donc appris la poterie, la reliure, la vannerie, les marionnettes, la sculpture sur bois, la menuiserie.
    Ce qui, entre autres, m'avait particulièrement séduit, c'est que ce qui sortait de nos mains ne ressemblait en rien à un travail d'amateur. On pouvait s'asseoir sur nos chaises et manger sur nos tables. Tables sur lesquelles on posait les assiettes que nous avions "tournées". Nous buvions le café dans nos bols et nous mettions des fleurs dans nos vases. Tout comme on pouvait rentrer dans les vêtements que je cousais.

    Et puis un jour, un psychiatre est venu voir Dieleman. Il cherchait un jeune éducateur capable d'enseigner la poterie à des adultes sortant d'établissements psychiatriques afin des les préparer à nouveau à une vie active. René Dieleman a alors pensé à moi.

    C'est alors que j'ai cessé de me soucier de la mode et des mortes-saisons.

    Aujourd'hui je fais des films qui généralement passent à la télévision. Et plus volontiers sur les écrivains. Et lorsqu'on me demande par quel mystère, même quand je change de sujet, on "reconnaît" les films que je fais, je réponds - avec tout de même un léger sourire - que c'est peut-être parce qu'à chaque fois on y voit mes mains. Mais mains qui tournent les pages d'un livre ou montrent un document. Ou qui sortent une photo d'un album. Ou qui, simplement, munies d'un crayon de couleur, soulignent une phrase ou entourent un mot.

    Et c'est avec le temps que j'ai commencé à comprendre qui si j'éprouvais le besoin, même fugitivement, à prolonger de mes mains un mouvement de ma pensée, c'est que, il y a près de cinquante ans maintenant j'avais appris à les utiliser dans les ateliers de la rue de Turenne et aux Ateliers Educatifs du Claireau."


    Philippe Avron (comédien) :
    2003 

    "Ce qui m'a séduit au Claireau, lorsqu'en tant que professeur pour enfants difficiles, je l'ai fréquenté avec toute une équipe d'enseignants, c'est l'exigence de la beauté.

    Le mot bricolage était banni.

    La beauté commencée avec la colline boisée, l amison ouverte, les ateliers ensoleillés, la vaisselle tournée à la maison : pots, assiettes, émaillés jaune-miel, vert-pomme. Le bois, les tapisseries, la reliure ...

    Cet esprit dépassait les nécessites immédiates de pédagogie, nous offrait la possibilité de rêver, de progression dans un art, et nous en donnait les moyens.

    Les élèves qui doutaient d'eux-même, pouvaient à la fin du premier du trimestre, à Noël, offrir à leur parent une corbeille, un pot faits de leur mains.

    Le Claireau : c'est un moment ensoleillé et créatif de ma vie."


    Claude Lecomte :
    Janvier 2012 

    TEMOIGNAGE SUR LE CLAIREAU

    "En 1973 je travaillais comme dessinateur dans un cabinet de géomètre.

    Je rencontre René Dieleman, le dessinateur de son bureau d’études vient de partir au service militaire et il me propose de le remplacer.

    Je découvre Claireau et je suis très séduit par le lieu, par ce qu’on y enseigne, par le futur travail qui m’attend.

    En effet, René Dieleman qui génère toujours d’innombrables projets, à besoin de les concrétiser à travers des dessins et des plans divers.

    J’accepte donc la proposition qui m’est faite et, le mois suivant, je suis engagé au Claireau.

    Je suis logé dans une agréable mansarde du château ; depuis mon modeste vasistas, la vue sur Chevreuse et la vallée est superbe.

    Je suis célibataire et logé sur place, j’ai donc tout le loisir de fréquenter les ateliers et je commence, le soir et lors de week-end, une formation qui me passionne.

    Comme je pratique depuis longtemps le dessin et la peinture, c’est l’atelier de  sérigraphie que j’aborderai en premier, viendront ensuite la poterie et la sculpture sur bois que Philolaos Tloupas (qui est resté mon ami jusqu’à son décès en 2011) m’a enseigné remarquablement.

    Au bout de quelques temps, j’aide, particulièrement le week-end, les responsables d’ateliers.

    Environ 2 ans après, j’aurai, parallèlement à mon travail de dessinateur, la charge d’ateliers (sérigraphie, sculpture sur bois).

    Je travaillerai 12 ans au Claireau.

    Je considère ces 12 années comme la période la plus enrichissante de ma vie..

    Durant ce temps, j’aurai l’occasion d’étendre mes connaissances, de rencontrer et fréquenter de nombreux artisans et artistes de haut niveau et des stagiaires très intéressants (éducateurs professeurs de dessin, de travaux manuels, animateurs d’associations diverses, etc…)

    Pendant toute cette période j‘aurai la chance de côtoyer, quasi quotidiennement, René Dieleman.

    C’est un des personnage les plus remarquables qu’il m’ai été donné de rencontrer.

    Il bouillonnait d’idées, il était sans cesse en train d’imaginer pour l’enseignement qu’il avait mis en place quelque chose de novateur, d’original, avec toujours ce souci de la sobriété, de l’esthétique et du fonctionnel.

    Il a vraiment révolutionné l’enseignement des activités manuelles de création.

    Grâce à lui, à ses méthodes, à la discrète et efficace présence de son épouse, à celle des enseignants et intervenants qualifiés qu’il engageait, René Dieleman a fait de Claireau un lieu de grande réputation internationale fréquenté au cours des années par des milliers de stagiaires venus de tous horizons.

    Je quitterai le Claireau pour travailler dans la société Matière et Maîtrise, (encore une idée de Dieleman) pour prolonger concrètement l’action des stages et permettre un équipement fonctionnel des futurs ateliers.

    Naturellement, je resterai toujours en étroits contacts avec le centre ; par la suite, je dirigerai Matière et Maîtrise.

    Claireau c’était en plus, un  endroit où on se sentait bien et heureux d’avoir la chance d’apprendre dans de si bonnes conditions, dans le cadre exceptionnel de ce château baroque environné de plus de cent hectares de forêt.

    Je me souviens de belles expositions de fin de stages où tout le monde apportait ses réalisations.

    Quelle satisfaction alors de déposer son  pichet émaillé, sa jolie écharpe en mohair tissé, son petit meuble soigneusement ciré, ses livres reliés etc …

    On sentait dans les attitudes des stagiaires, dont certains n’avaient jamais abordé des activités manuelles, toute la satisfaction d’avoir réalisé de leurs mains ces modestes objets, cela leur donnait confiance en eux et ils étaient à juste titre, récompensés de leurs efforts.

     A travers eux, dont les fonctions les destinaient souvent à diffuser tout ce qu’ils avaient appris, Claireau prolongeait efficacement sa remarquable action."

     

    Pierre Lexert (Ecrivain) :

    PAROLE DE CLAIREAUPHILE

    Loué soit le hasard quand il se conjugue avec la nécessité !

    Un mien ami de lycée, Guy Ballossier, ayant ouï parler fort élogieusement de ce que les initiés appelaient déjà simplement Le Claireau, nous résolûmes d’y aller voir un dimanche pour nous en faire une idée. Ce fut par une claire journée de printemps au début des années soixante
    Conquis par les êtres et les aîtres du lieu – un château de pierre meulière sis en un parc de la Vallée de Cheveuse – je décidai de juger sur pièce en m’inscrivant pour un stage de menuiserie.

    Tout « intellectuel » que j’étais devenu, je n’en nourrissais pas moins une grande considération pour les gens du manuel. En connaissance de cause : fils de paysans montagnards indépendants, dont l’autarcie avait entretenu la polyvalence, j’avais été à même d’apprécier leur « sentiment de la ressource », - ainsi que disait Gide à propos du génie, mais qui se peut dire aussi d’une personne industrieuse.
    D’autant que je sentais mes mains dotées d’un potentiel inemployé et j’en éprouvais de la frustration. C’est pourquoi, fasciné par la mise en œuvre du bois, je choisis de faire mes classes manuelles dans l’atelier approprié du Claireau.

    Au terme de dix jours de leçons et de travaux pratiques vécus dans l’enthousiasme – le mot n’est pas trop fort – j’étais déniaisé. L’essentiel m’avait été inculqué avec une pertinence et un pragmatisme qui auraient ravi un adepte de la Sémantique Générale. Surtout, je me sentais déjà capable de progresser sans tuteur.
    Ce que je fis aussitôt car les occasions affluaient. Depuis, j’ai réalisé meubles, objets, escaliers et agencements de toutes sortes, cependant que m’apparaissait de plus en plus insane le clivage donnant le pas au col blanc sur le bleu de travail.

    Parallèlement je constatais que les autres stagiaires dans les autres disciplines s’y épanouissaient autant que moi.
    Le Docteur Sivadon en a d’ailleurs fait une thérapie. Pour ma part, j’en tirai parti pour mes loisirs et mes activités, tant du point de vue matériel que conceptuel.

    La cohérence, l’efficace et l’honnêteté de la formation reçue dans les Ateliers Educatifs de Claireau, sous la férule chaleureuse et inspirée de René Dieleman, n’avaient pas et n’avaient jamais eu leur pareil au sein des milieux corporatifs et de l’enseignement professionnel.
    Des professeurs de travaux manuels venaient même s’y « dégourdir » ; des profanes se découvraient des aptitudes insoupçonnées. Il régnait là une atmosphère qui, toutes proportions gardées, pouvait se comparer à celle du fameux Bauhaus de Weimar de l’autre siècle.

    Le décès inopiné de René Dieleman – fondateur et cheville ouvrière de Centre – en a malheureusement cassé l’essor et fait s’éparpiller sa leçon et ses moniteurs, - chacun de ceux-ci emportant, en bon apôtre, un fragment de l’évangile original. Grâce à quoi il est encore possible d’espérer, et de souhaiter, que quelqu’un quelque jour en puisse rassembler les données éparses pour en relancer la stimulante aventure.

     

    Pascale Dieleman :

    le 13 février 2012 

    A mon tour de prendre la plume.

     

    Me voilà assise au coin du feu ; pas une cheminée comme il aimait tant construire, un simple poêle en fonte. 

    Un disque de jazz, qu’il adorait, et c’est parti pour le grand saut en arrière.

    Moi qui ne regarde jamais derrière, me voilà bousculée par les amis, les compagnons de route, qui tour à tour viennent étoffer ce témoignage véhiculé par le net.

    Les archives du Claireau et de la vie de ce génie qu’était mon Père se sont éparpillées aux quatre coins du monde.

    Ma mère a su garder des traces et faire en sorte que nous n’oubliions pas et que nous transmettions à sa descendance les particularités de cet homme.

    Pour ma part, j’ai partagé sa vie jusqu’à l’adolescence. Il est parti pour mes 22 ans. J’ai toujours gardé le regret de ne pas l’avoir connu adulte.

    Nous projetions de travailler ensemble en ……… Martinique.

    Son cœur s’est arrêté de battre avant, ainsi que mes espoirs de prolonger, d’adulte à adulte ce que j’avais appris plus tôt.

    Mais je sais très bien que mes connaissances, mes dons, mes envies de créer viennent de lui et d’elle, ma mère, son épouse qui a traversé des moments forts et terribles avec lui.

    Je suis faite de cette glaise, de cet arbre, d’ailleurs mon amour du bois, des matières, des objets, le transcrivent bien.

    En compulsant l’album de famille, je me vois dans les bras de Philolaos, qui sera pour toujours mon Maître, m’inspirant formes et sculptures.

    A peine âgée de 4 ou 5 ans, je naviguais d’un atelier à l’autre, créant ma dînette en poterie, assise sur le siège du tour, descendant de mon perchoir pour relancer au pied la roue du tour, puis me hissant à nouveau pour façonner ma boule de terre en un vase ou une soucoupe, quand tout chavirait. Rien ne se perd, tout se transforme !

    Adolescente, je devenais animatrice pour encadrer d’autres ados et adultes à Saint Florent en Corse. On me faisait confiance, j’étais la fille du patron. Mais il faut dire aussi que je connaissais par cœur les gestes du tissage, de la sérigraphie ou autres activités. A la grande satisfaction des stagiaires. De toute façon, papa Dieleman veillait au grain.

    Et plus tard, j’ai pris le titre de tisserande en travaillant sur le métier qu’il avait inventé. Un système de chaîne enroulée en circuit fermé qui permet d’exécuter rapidement une étoffe unique que l’on peut coudre et porter.

    Tout au long de ma vie, je n’ai eu de cesse d’apprendre de nouvelles techniques, la bijouterie, le travail du cuir, la recherche des couleurs et du dessin en décor.

    C’est ainsi que je crée mes sculptures de A à Z.

    A comme Annie, ma mère, Z comme Z’ours, le nom de scout que ses amis employaient.

    Ma mère s’en est allée en 2000 me laissant cet héritage, mon frère Franck l’a rejointe fin 2009. Il doit sans doute nous photographier de là-haut.

    Nos enfants ne le connaissent qu’à travers nos témoignages et mes mains essaient de transmettre mes savoirs.

    Merci Papa.

     


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  • HISTOIRE DU CHÂTEAU DE CLAIREAU

    Et du Centre National des Ateliers Educatifs

     Il se dressait, dominant l’entrée Est de CHEVREUSE, noyé dans une belle forêt de plus de cent hectares, bâti en meulières, un peu baroque mais séduisant dans son site exceptionnel.

     Il était discret car, depuis la route, on ne voyait que sa tour et seuls quelques rares promeneurs prenaient la peine de venir le voir.

     Il n’existe plus aujourd’hui et je vais vous raconter un peu de son histoire associée à celle de ceux qui y ont vécu. Naturellement je vous parlerai surtout de la période que j’ai bien connue et des derniers habitants des lieux.


    Le château de Claireau

     Le château de Claireau

    Vers 1890, Georges de Montgomery de Penbroke, comte de Contades, achète au Duc de Luynes une forêt située sur le territoire de la commune de Chevreuse.

     Entre 1860 et 1900, sa sœur Marie Jeanne de Montgomery, ( Mme Janvier de la Motte ), achète elle aussi des parcelles de terrain dont le coteau dit du Claireau.

     Georges de Montgomery meurt à Paris le 21 Novembre 1900 et laisse l’ensemble du domaine à sa sœur Marie Jeanne.

     Celle-ci décède vers 1905 et lègue l’ensemble de ses terres à la veuve de son frère, Marie Lucie de Montgomery, née Ditte.

    Cette dame, native de Saint Rémy les Chevreuse était la filleule de Juliette Adam de l’abbaye de Gif.

    En 1904 Marie Lucie de Montgomery fait édifier le manoir de Claireau par des entreprises locales, dont la plus importante, celle des frères Bracon, en même temps elle   fait réaliser dans la propriété le tombeau où seront inhumés son mari et sa belle-sœur.

    Vers 1912 la princesse Radziwill acheta la propriété pour en faire un “rendez vous de chasse” dans lequel elle organisait des réceptions réputées.

    Les cartes postales de l’époque nous révèlent des salons baroques et somptueux, bien meublés et remplis d’objets divers, de trophées de chasse, d’innombrables tableaux et de nombreuses statues de toutes tailles.

    C’est vers 1940 que Monsieur Bobet, propriétaire de la tannerie de Chevreuse se porte acquéreur de ce qu’on appelait le “Manoir du Claireau” et de ses 103 hectares de forêts.

    Pendant la guerre 150 aviateurs Allemands, basés à Toussus le Noble résidèrent un certain

    temps au château, en partant ils le pillèrent et ne laissèrent sur place que le trop imposant lit de la princesse, trop lourd pour être emporté !

    Après leur départ, le château reste à l’abandon.

    Peut-être allait-il doucement tomber en ruine ?...

    Non, car son destin devait être plus glorieux. Au cours d’une période qui va durer 20 ans

    ( 1947/1967 ), durant laquelle le château de Claireau meurtri et délaissé, va tout doucement revivre pour devenir, avec le temps, un lieu animé.

    Des milliers de personnes, venues d’horizons différents, de cultures différentes, de nationalités différentes, vont se retrouver pour travailler ensemble, dans le même esprit.

    Ils vont apprendre à “penser avec leurs mains”, selon la formule de l’homme à qui l’on doit cette résurrection et qui va créer le Centre National des Ateliers Educatifs.

    Avant la guerre 39/45, RENE DIELEMAN, ancien élève des beaux-arts ( sculpture, ébénisterie

    d’art ), est professeur de travaux manuels à l’école américaine Mac Jannet à Saint Cloud.

    Cette école reçoit de nombreux enfants étrangers dont les parents sont en fonction en Europe. Ce sont surtout des enfants de diplomates.

    L’école assure l’enseignement de la maternelle au bac, mais lors de la guerre, l’école est dévastée et devra fermer.

    RENE DIELEMAN est mobilisé à cette époque et dès son retour, il trouvera du travail à nouveau chez Mac Jannet, dans un camp ouvert composé de 12 chalets bien équipés ;  toutefois le camp ne fonctionne que durant les vacances scolaires et RENE DIELEMAN doit trouver du travail de complément.

    Il collabore avec Albert Boekolt, créateur de la revue et de l’association “ Vie Active “ qui est très présente dans le milieu du scoutisme, mais Il rêve de créer sa propre école et ses amis des CEMEA ( Centres d’Entraînements aux Méthodes d’Education Active ) pour qui il a travaillé, l’encouragent vivement.

    RENE DIELEMAN prospecte dans la région parisienne et ses recherches le mènent un jour à Chevreuse où il découvre la propriété du Claireau.

    Le lieu lui plaît beaucoup et il pressent que le local, bien qu’en mauvais état, pourrait très bien lui convenir.

    Nous sommes en 1947.

    Le château de Claireau appartient à Monsieur Bobet, propriétaire de la tannerie de Chevreuse. C’est un bâtiment un peu délabré et c’est une charge pour lui car il n’en a pas l’usage. Il avait acheté le Claireau surtout pour le bois que pouvait procurer la grande et belle forêt.

    Un accord est trouvé et Monsieur Bobet consent un bail de 20 ans à l’association que RENE DIELEMAN a créée : les Ateliers Educatifs. Il est mentionné aussi que, si un jour Monsieur Bobet souhaitait vendre, l’association serait la première à être contactée.

    Le loyer proposé est raisonnable, mais il est prévu que le locataire remettra progressivement, selon ses moyens et ses priorités, les lieux en bon état.

                       Claireau vu d'avion

    Le château vu du ciel

    La tâche est énorme et il faut tout l’enthousiasme et le dynamisme de RENE DIELEMAN pour entreprendre cette remise en état.

    Une seule pièce a encore quelques vitres et il faudra, pour commencer, remettre une centaine de carreaux pour qu’il fasse moins froid et que la pluie cesse de pénétrer dans les locaux.

    Il n’y a plus de chauffage, plus d’électricité, plus de téléphone. Les cheminées sont bouchées par les gravats ou totalement cassées, les toitures sont très abîmées et l’on a volé toutes les gouttières ; les canalisations d’eaux sont éclatées ou disparues, les accès sont inexistants ou ravinés…

    RENE DIELEMAN commence par louer chez Monsieur Bracon, à Chevreuse, un établi et des outils pour lui permettre d’amorcer la restauration des lieux. Il achète aussi une machine à bois “combinée” d’occasion.

    Et c’est alors qu’interviennent les amis, des scouts, des éclaireurs, des artisans, des professeurs, et tous les autres, tous courageux et pleins de bonne volonté.

    Ils viendront pendant leurs congés, leurs week-end ; beaucoup camperont ou dormiront sans confort mais dans une ambiance joyeuse et très active.

    La remise en état progresse, mais elle n’est pas aisée, les finances sont modestes et, en plus, on est en période d’après guerre et les « bons matières » subsistent. Pour acquérir la moindre chose, clous, vitres, plâtre, bois, il faut remplir des papiers et justifier du bon usage des matériaux qui ne sont délivrés que sur présentation des bons de la préfecture.

    RENE DIELEMAN a hâte d’ouvrir son centre. Il ne pourra le faire que plus d’un an après la prise de possession des lieux.

    Tout est loin d’être terminé : il va commencer modestement par des stages de week-end car Il est urgent de rentabiliser un peu ses locaux.

    Son activité passée lui permet de contacter et d’engager des instructeurs de très bonne qualité qui viendront l’épauler.

       Carte Claireau            L'atelier menuiserie   

               Flyer de présentation                                    L'atelier ébénisterie

    Parallèlement, il prospecte pour ses stages et c’est dans le cadre des mouvements de jeunesse qu’il trouvera ses premiers stagiaires : les scouts routiers, les éclaireurs de France, les instructeurs CEMEA, les animateurs de colonies de vacances de l’E D F, de la SNCF, les Charbonnages de France, etc. Viendront ensuite les stages ouverts à tous et qui, assez rapidement, grâce au bouche à oreille, rencontreront un bon succès.,

    Le public qui les fréquente est très varié : enseignants divers, ingénieurs, médecins, architectes, journalistes, religieuses, responsables d’associations multiples comme les castors, jeunes ménages, personnel médical de psychiatrie, ergothérapeutes et tous les particuliers aimant travailler de leurs mains.

    Et puis aussi, les “écolos” précurseurs, sympathiques, idéalistes, rêvant à un retour aux sources, à une vie saine, à des hommes qui tisseraient leurs vêtements et fabriqueraient leurs modestes et belles poteries. 

    L’ambiance est excellente et, grâce à cette diversité, les contacts sont très enrichissants.

    L’enseignement dispensé est de grande qualité ; RENE DIELEMAN enseigne lui-même et recrute des instructeurs pour ses multiples ateliers, il est très exigeant et choisit     toujours des professionnels réputés qu’il forme à ses méthodes. 

    Il avait observé avec regret que, dans beaucoup de milieux professionnels, les compagnons délivraient au compte-gouttes leurs informations aux apprentis, dans le but peut-être de freiner la concurrence ?

    Cet état de chose lui déplaît et pour sa part il n’hésite pas à transmettre immédiatement tout savoir utile au néophyte. Il demande à ses instructeurs d’agir de même.

    Afin que ce savoir se change en savoir-faire, il le greffe sur des réalisations concrètes. L’application des informations et conseils donnés est immédiatement mise en oeuvre

    Les outils et les matériaux fournis sont d’excellente qualité, les « trucs » de métier, les acquis de l’expérience sont dispensés sans réticence. On enseigne         aussi des notions culturelles visant à éduquer le sens esthétique des usagers afin que leurs créations soient en tout point satisfaisantes en associant le beau et le fonctionnel.

    Les instructeurs se comportent en amis qui vous enseignent et non pas en professeurs ou en contremaîtres qui vous jugent ou vous sanctionnent.

    Au bout de l’effort il y a toujours la réalisation d’un objet utilisable et cela motive vraiment les stagiaires.

    Chaque fin de stage donne lieu à une exposition des réalisations et chacun peut y découvrir des travaux excellents, soignés, aboutis, que beaucoup n’imaginaient pas être capables de produire. Les résultats sont très gratifiants et naturellement encouragent à se perfectionner.

    Une telle qualité a rapidement porté ses fruits et, au gré des années, le succès du Claireau s’est amplifié en même temps que la gamme de ses ateliers s’étoffait.

    En 1953 le centre National des Ateliers éducatifs est agréé par l’éducation nationale et cela améliorera les finances ( toujours délicates) de l’association.

    Tous les futurs professeurs de dessin et de travaux manuels de France sont envoyés en stage à la fin de leurs études, juste avant leur première attribution de poste et les professeurs déjà en activité viennent participer à des stages de complément de formation.

    La renommée de Claireau dépasse nos frontières et les stagiaires viennent à présent de Belgique, de Suisse, du Canada, des USA, du Liban, du Brésil, de L’Afrique du Nord ou de l’Afrique Noire, etc.

    Les stagiaires qui animent ensuite des ateliers habitent un peu partout et ne trouvent pas toujours, en province surtout, le matériel et les matériaux dont ils ont besoin et cela préoccupe RENE DIELEMAN qui craint que certains projets échouent pour cette raison.

    Il suggère donc à quelques amis de créer une société de vente par correspondance dont l’activité sera la diffusion de toutes les fournitures utilisées dans les ateliers.

    La société « Matière et Maîtrise » fonctionnera à partir de 1960 ; son activité se poursuivra à Chevreuse jusqu’en 1987.

    Parallèlement et dans le souci de récupérer de l’argent pour son centre, RENE DIELEMAN a créé une société qui diffuse ses créations dans le domaine du mobilier ; sa gestion est celle d’une société commerciale et elle est totalement indépendante de Claireau, toutefois ses bénéfices sont réinvestis dans l’association.

    De l’argent, il en faut car RENE DIELEMAN est toujours en train d’imaginer quelque chose de nouveau. On proposera jusqu’à 14 disciplines dans des ateliers qu’il souhaite bien équipés.

    Ce sont :

    • Menuiserie
    • Sculpture sur bois
    • Poterie
    • Vannerie

    ( il a commencé avec ces quatre ateliers )

                                 

    L'atelier poterie

     L'atelier poterie

                                L'atelier Vannerie

     L'atelier vannerie

    • Tissage
    • Reliure
    • Cartonnage Gainerie
    • Ferronnerie
    • Sérigraphie ( impression sur tissus ou papier )
    • Photographie
    • Marionnettes ( construction et manipulation )
    • Atelier de matière plastique
    • Artisanat ménager et aménagement d’intérieurs
    • Amélioration de l’équipement musical.

     L'atelier reliureL'atelier reliure

    L e maximum de stagiaires est de 12 par atelier, la moyenne est de 8, ce qui permet de bien suivre la progression de chacun.

    La méthode d’enseignement mise au point par RENE DIELEMAN est originale, novatrice, rigoureuse et très concrète. Elle débouche sur des réalisations de grande qualité.

    On travaille beaucoup à Claireau, mais sans contrainte ; on a la plupart du temps des usagers très motivés, passionnés par ce qu’ils entreprennent et il arrive souvent que les responsables d’ateliers soient obligés de « sévir » en coupant l’électricité pour que des irréductibles captivés par leurs ouvrages admettent enfin d’aller se coucher !!

    Durant chaque stage, il est prévu l’intervention d’une personne extérieure. Les intervenants sont soigneusement choisis, ce sont des artisans ou des artistes renommés, des enseignants oeuvrant dans des disciplines originales, des architectes, des psychiatres  utilisant les activités manuelles comme thérapies individuelles ou de groupes. 

    C’est ainsi que Pierre Guariche, décorateur, Rouchy, responsable des CEMEA, Jacques Fillacier, coloriste et conseiller à la manufacture des Gobelins, André Wogenski, architecte et assistant de Le Corbusier, André Borderie, peintre et céramiste, Pierre Faucheux, graphiste, le professeur Sivadon, Président des psychiatres Français et bien d’autres personnalités renommées font des exposés, racontent leurs expériences et leurs motivations.

     


       

     

    On ne fait pas que travailler à Claireau : le terrain de volley ball est très fréquenté et les deux amis et rivaux sportifs que sont RENE DIELEMAN et le sculpteur Philolaos ( enseignant en sculpture et poterie), composent des équipes motivées et dynamiques.

    Des soirées de détente ont lieu, et là aussi une grande qualité est au rendez-vous. Claireau est en relation avec l’académie de guitare de Paris, les ballets de danse Française, le cabaret  « l’Ecluse », les mimes de la compagnie Marceau et tous, au gré des stages, donnent des spectacles ; des chanteurs poètes comme Marc Ogeret, Jacques Douai ou Marc et André

    ( responsables du cabaret l’Ecluse ) se produisent et charment l’assistance.

    Les usagers se font de plus en plus nombreux, Tous les stagiaires sont en internat, nourris et logés, c’est Madame Dieleman, maîtresse de maison discrète et efficace qui assume la lourde tâche de l’intendance ; on peut recevoir 30 personnes et ce n’est plus suffisant.

    RENE DIELEMAN a toujours le souci de pratiquer des prix de stages accessibles, la demande est forte et le château trop petit pour accueillir tout le monde, bien que certains, pour pouvoir assister aux stages n’hésitent pas à camper. 

    RENE DIELEMAN à une nouvelle idée. La propriété est grande ( 103 hectares) mais on n’est pas autorisé à construire en dur et définitivement, alors il va « poser » du provisoire. En l’occurrence, il installe le plus discrètement possible, 8 wagons achetés à un prix satisfaisant aux “rebuts” de la SNCF, i l y intègre des sanitaires et crée ainsi des chambres originales.

    Grâce à cela et à quelques récupérations de pièces dans le château, la capacité d’hébergement passe à 60 stagiaires.

    La place pour les activités devient aussi insuffisante. Il existe dans la forêt, à 200 mètres du château, des anciennes serres délabrées mais dont les murs en meulières sont encore en très bon état et c’est en s’appuyant sur ces murs que l’on va réaliser, avec les compétences et la main-d’œuvre maison, un bâtiment tout en bois qui abritera de nouveaux ateliers.

    Les activités manuelles telles qu’elles sont enseignées à Claireau intéressent beaucoup de monde issus de secteurs très différents. C’est ainsi que se côtoient des animateurs de centres culturels, des responsables d’ateliers protégés, de CAT ( centre d’aides par le travail ), des professeurs d’écoles expérimentales, d’écoles nouvelles, des institutrices de maternelle, des moniteurs d’ateliers de loisirs issus des comités d’entreprises ( Kodak, Télémécanique, Renault…).

    Comme toujours le succès appelle le succès. De nombreuses personnalités de l’enseignement ou de la politique, comme Madame Thome-Patenôtre député maire de Rambouillet ou des ministres en fonction à l’époque, Alain Peyrefitte, Maurice Herzog, Claudius Petit, visitent Claireau. Certains passent une journée dans les ateliers et déjeunent avec les stagiaires. Les compliments pleuvent, mais les subventions évoquées parfois ont rarement des suites positives !

    Monsieur Breton, fondateur de la revue et du salon des Arts Ménagers est très séduit par le Claireau. Il demande à RENE DIELEMAN de collaborer régulièrement à sa revue       dans laquelle il inclut des fiches techniques créées à Claireau et relatives aux disciplines qui y sont enseignées.

    A plusieurs reprises, Claireau sera présent sur le stand du journal, touchant ainsi un large public. 

    Madame Hattinguais, directrice du très réputé Lycée international de Sèvres ou  Madame Bataillon et Monsieur Machard, inspecteurs généraux de l’enseignement apprécient beaucoup les méthodes et l’enseignement prodigués au Claireau et le font savoir.

    Pendant ce temps RENE DIELEMAN qui n’est jamais inactif donne une dimension supplémentaire à ses travaux. Il crée les Ateliers Clubs Claireau qui vont être regroupés au sein d’une association : UDAC ( union des ateliers clubs Claireau ).

    Cette association va réunir des lieux divers, qui devront être agréés, où sont enseignées par des anciens stagiaires, dans l’esprit « Claireau » et avec ses méthodes, des activités manuelles créatrices.

    Avec le temps, une vingtaine d’ateliers seront créés en France.

    Naîtront également les « stages longue durée » ( un an ) destinés justement aux futurs responsables de ces ateliers.

    RENE DIELEMAN, qui avait commencé sa carrière auprès des jeunes, souhaite les intéresser directement.

    Il crée dans la citadelle de St Florent, en Corse, un centre de loisirs, animé par des anciens stagiaires très compétents, qui rencontre tout de suite un bon succès.

    La réputation de RENE DIELEMAN et de ses méthodes d’enseignement a dépassé nos frontières et il est sollicité dans différents pays en voie de développement, en Afrique, au Liban, en Amérique du sud, etc, pour aider à relancer les artisanats locaux.

    Orateur brillant et passionné, il est très demandé et intervient dans d’importants congrès en France et à l’étranger.

    Tout va donc pour le mieux ?        

    Non, pas tout à fait car entre temps, Monsieur Bobet décède.

    Avec lui les relations étaient bonnes et de temps en temps, le samedi matin en général, il rendait des petites visites au Claireau, se renseignait sur l’évolution de l’association ou sur l’état des travaux.

    Sa veuve Madame Bobet, sans doute affectée et désemparée a confié ses intérêts à des hommes d’affaires et c’est le début de gros ennuis.

    Ils commencent par appliquer, pour recalculer un nouveau loyer, la fameuse règle de « la surface corrigée », et le résultat est catastrophique.

    L’exorbitant loyer demandé ne tient pas compte de tous les efforts et des remises en état des locaux que le locataire a entrepris depuis des années. RENE DIELEMAN ne peut plus assumer le règlement de telles sommes, mais il va tenter de rester car partir (où ? ) lui pose d’énormes problèmes et de plus il s’est beaucoup attaché à ce lieu qui est incontestablement très agréable.

    Monsieur Peyrefitte, ministre, qui avait été très séduit lors de sa visite, propose des locaux à Provins, une maison de retraite qui va se libérer, mais il ne pourra en disposer que dans 2 ans.

    L’attente est trop longue car on apprend que la propriétaire souhaite vendre à des promoteurs immobiliers et elle est pressée.

    Les conseillers de Madame Bobet intentent un procès pour faire partir les locataires gênants du château et, compte tenu des retards accumulés dans le paiement des loyers, ils obtiendront gain de cause, obligeant les occupants à partir.

    Nous sommes en 1967 et la belle histoire de ce qui est devenu le « Centre National des Métiers d’Arts » commencée à Chevreuse en 1947 va, par la force des choses, se terminer.

    Environ 15000 stagiaires auront fréquenté les ateliers.

    Les promoteurs Kaufman et Broad ne tardent pas à arriver avec un énorme projet de 162 pavillons et un slogan : « Vivez dans un cadre prestigieux ». Ainsi sera construite la résidence « les hauts de Chevreuse ».

    Les travaux ne commencent pas tout de suite et très rapidement le château est la proie des vandales qui dégradent les lieux, volent ce qui peut servir et abîment tout.

    Initialement le promoteur envisageait de conserver le château pour en faire un «  club » à l’usage des résidents, mais la remise en état et les futurs frais d’entretien des lieux font que le projet est abandonné. 

    Le château de Claireau est rasé.

    RENE DIELEMAN sauvera ce qui peut encore être sauvé du désastre et il ne s’avouera pas vaincu.

    Il s’installera provisoirement au château de Gouvieux, dans l’Oise. Il fera fonctionner quelque temps un centre beaucoup plus modeste que celui de Chevreuse.

    Par la suite la municipalité de Celles sur Belle, dans les Deux-Sèvres, met une ancienne abbaye à sa disposition, il y installe des ateliers très prometteurs, mais sa mort brutale en 1974 mettra définitivement fin au « Centre National des Métiers d’Arts », fruit de la ténacité et de la passion d’un homme exceptionnel.

                                                                                               Claude LECOMTE.
                                                                                               Juillet 2001

     

     


    Pour mieux connaître le personnage de René DIELEMAN (1914 / 1974) et les préceptes de son enseignement voici quelques extraits de ses écrits :

     Le travail, pour la majorité des individus, de l’écolier à l’adulte, est devenu routine et ennui, en partie parce que sans fin et sans commencement. Il enferme l’homme dans le sentiment qu’il n’est qu’un rouage inutile et sans intérêt, l’occasion lui manque souvent de se prouver qu’il est capable de produire une oeuvre personnelle.

    En ayant l’occasion, par la pratique d’activités manuelles créatrices, de se confronter avec la matière, d’affiner sa sensibilité, de développer son imagination dans la recherche de travaux artistiques et artisanaux, l’homme doit trouver de nouvelles possibilités de développement culturel et professionnel.

    Mais, livré à lui- même, sans moyens matériels, sans directives, l’amateur ne peut espérer des résultats vraiment satisfaisants, alors que dans un atelier collectif bien équipé, sous la direction de moniteurs compétents, n’importe quel amateur peut réaliser une œuvre personnelle de qualité.

    C’est pour lui donner cette possibilité que le Centre National des Ateliers Educatifs a été créé.

    La connaissance d’une technique donne l’occasion à l’esprit créateur et au goût de s’exercer sur des « formes utiles », activité qui apporte à l’individu des possibilités de libération et qu’un constant souci de perfection enrichit chaque jour.

    Il ne s’agit pas d’apprendre un métier ni de « bricoler », mais de découvrir et de vivre pleinement la joie de créer, la joie de « penser avec ses mains ».

    Il faut sauvegarder au sein des jeunes générations la sensibilité et l’esprit créateur dans un temps où la mécanisation à outrance risque de détruire chez l’homme, si l’on n’y prend garde, cette nécessité des temps anciens, facteur d’équilibre et d’harmonie : la chose commencée et finie par lui.

    Je suis opposé aux « exercices manuels » ou au mauvais bricolage qui ne débouche sur aucune réalisation concrète.

    Je veux donner à nos stagiaires une base de connaissances techniques qui leur permette, sans aptitudes particulières de découvrir la joie de créer des formes nécessairement utilisables.

    Conseillés et guidés par des spécialistes réellement compétents, ces stagiaires devenus créateurs, comprendront mieux le sens des mots simplicité, équilibre, rationnel et bon goût.

    En les aidant à découvrir dans leur personnalité des ressources cachées, l’expérience vécue leur permettra de reconnaître la valeur d’un enseignement fondé sur la création personnelle, laquelle apporte à l’homme sa dignité et son équilibre.

     


    4 commentaires
  • Bienvenue ...

    ... sur cette présentation des Ateliers Educatifs de Claireau créés et animés par René Dieleman de 1947 à 1967 dans la vallée de Chevreuse (Yvelines).

    René Dieleman

    René Dieleman, fondateur et directeur des Ateliers Educatif de Claireau 

    Dossier réalisé par Claude Lecomte et Pascale Dieleman artiste plasticienne.


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